Employé très jeune dans une entreprise de peinture et d’aménagement intérieur à La Haye, Bram van Velde apprend la peinture en autodidacte. Ayant rejoint en 1922 à Worpswede une colonie d’artistes, il peint des œuvres d’inspiration expressionniste. En 1924, établi à Paris, il se livre à une interprétation du fauvisme. Des difficultés financières l’amènent à séjourner en Corse (1930) puis à se fixer à Majorque (1932) dont il est chassé en 1936 par la guerre civile espagnole. Il renoue alors avec Paris et rencontre l’écrivain Samuel Beckett que lui a présenté son frère Geer.

Bram exécute cette composition à Montrouge au lendemain de la guerre alors qu’il n’a « plus la force de poursuivre son œuvre. » Désirant s’installer à Paris pour prolonger son expérience lyonnaise, Marcel Michaud, qui le rencontre par l’intermédiaire d’Edouard Loeb, lui consacre en 1946 l’exposition inaugurale de la galerie M.A.I.

La composition est caractéristique de ce processus de défiguration entamée au cours des années 1930. Elle repose sur un affrontement de formes triangulaires que viennent adoucir des ovales cernés par des contours de couleurs contrastées. Aucune allusion au monde visible ne transparaît désormais comme si l’artiste ne cherchait à ne rien montrer d’autre que la peinture. La matière picturale travaillée de manière plus fluide, gagne en transparence. Dans l’utilisation des aplats colorés, Bram semble avoir pleinement assimilé la leçon de Matisse dont la découverte chez le galeriste Paul Guillaume vers 1927 fut une « véritable révélation ».