François Gérard (1770-1837), Juliette Récamier, 1829
Lavis de sépia sur papier, H. 30,5 cm, L. 22,2 cm
Don d’Anne-Marie Lacombe en 2022
De nombreux portraits ont fixé les traits de Juliette Récamier, à tel point qu’elle compte parmi les personnalités les plus représentées au début du XIXe siècle. En 1800 ou 1801, elle commande à François Gérard la réalisation d’une image en pied, à la célébrité immédiate. Des liens d’amitié se nouent alors entre l’artiste et son modèle. Près de trente ans plus tard, Gérard a l’occasion de saisir une seconde fois ses traits, dans ce dessin au lavis. L’œuvre semble d’abord n’avoir eu qu’un caractère intime ; néanmoins, elle bénéficia d’une diffusion publique pour avoir été gravée. Élégamment, l’artiste place Juliette Récamier de dos, assise sur une chaise, dans une posture qui n’est pas, dans une certaine mesure, sans faire écho en inversé au portrait peint antérieur, tout en éludant le passage des ans et en offrant l’image d’une beauté demeurée immuable. Il participe ainsi de l’aura mythique qui entoure les traits du personnage.
Paul Flandrin (1811-1902), Le Castel dell’Ovo à Naples, 1838
Crayon graphite et aquarelle sur papier, H. 14,5 cm, L. 23,8 cm
Achat en 2022
À la suite de l’exposition consacrée à Hippolyte, Paul et Auguste Flandrin, organisée en 2021, plusieurs œuvres des trois frères sont venues enrichir les collections, grâce à des dons effectués par Marie-Geneviève Froidevaux, des dépôts ainsi que des achats. Ces œuvres permettent d’illustrer plus particulièrement le travail de Paul Flandrin, cadet de la famille, jusqu’ici moins présent dans les collections du musée.
Cette aquarelle, réalisée lors d’un voyage à Naples des trois frères en juin 1838, témoigne de leur pratique de l’aquarelle, un médium qu’ils maîtrisent avec virtuosité. Cette vue du Castel dell’Ovo est saisie sur le motif, selon une pratique commune au travail de Paul Flandrin qui se spécialise alors dans le genre du paysage.
Anna-Eva Bergman (1909 – 1987), Feu, 1963
Vinylique et feuille de métal, H. 162 cm, L. 130 cm
Achat grâce au mécénat du Cercle Poussin
Les œuvres réalisées à partir de cette technique très spécifique de l’artiste sont peu représentées dans les collections publiques françaises : seules quelques-unes figurent au musée d’art moderne de la Ville de Paris grâce à la donation effectuée en 2017 par la fondation Hartung Bergman.
Il est possible de voir dans ses peintures des réminiscences d’œuvres du passé. L’art byzantin a été invoqué comme Bergman elle-même l’a confié : « L’art byzantin et l’art directement après Giotto me passionnent de plus en plus. Leur force d’expression extraordinaire avec un tel minimum de moyens et leur grand respect de la technique picturale. » L’usage de la feuille métallique renverrait aux fonds d’or des mosaïques byzantines, celles de Ravenne, de l’abside de la basilique de Torcello et de Saint Marc à Venise. Dans la continuité de cet art byzantin, s’inscrivent Duccio et Simone Martini, au Trecento et Fra Angelico au Quattrocento. Il faudrait aussi considérer les fonds d’or peints par les artistes allemands du XVe siècle tels que Konrad Witz. L’influence de Gustav Klimt qu’Anna-Eva a découvert lors de son séjour à Vienne en 1928 a été aussi avancée.
A l’origine de son utilisation de la feuille métallique, Bergman rappelle l’enseignement du professeur Steinhof à l’Ecole des arts appliqués de Vienne : « Il nous encourageait à employer dans notre travail des matériaux inusités, voire tout à fait originaux. ». Mais c’est après la seconde guerre mondiale, en Norvège, qu’elle subit l’influence d’un homme de métier d’art : « Christian Lange, un restaurateur d’anciennes églises avait recours à des matériaux nobles, feuilles d’or, argent, plomb, bismuth tout comme les bâtisseurs du Moyen Age. (…) L’idée me vint d’utiliser tous ces matériaux dans ma manière de peindre. »
Simon Hantaï (1922-2008), M.M.44, 1965
Huile sur toile, H. 258 cm, L. 216 cm
Achat
La radicalité de la démarche de Simon Hantaï a fait de lui l’un des artistes les plus influents vis-à-vis des avant-gardes françaises des années 1960-1970 et un peintre majeur de la seconde moitié du XXe siècle.
M.M.44 se rattache- si l’on suit les commissaires de la rétrospective Hantaï présentée au Centre Pompidou en 2013- à la série des Panses d’abord intitulée « Maman ! Maman ! dits : La Saucisse », annonciatrices de la série des Meuns. Quelques exemples de ce travail font leur apparition à la galerie Jean Fournier à Paris en 1965, d’abord dans les expositions 138 peintures de petit format. Jalons des années 1962-1965 et 12 peintures récentes de grand format puis deux ans plus tard dans Peintures 1960-1967, un évènement qui aura un grand retentissement. Les œuvres y sont accompagnées d’un petit catalogue dans lequel la seule contribution écrite de Hantaï est une liste de toutes les séries de pliage constitutif de son œuvre réalisées jusque-là avec en conclusion sa formule désormais célèbre : « Le pliage comme méthode ». Le mot « Saucisse » serait emprunté à un texte du poète Henri Michaux, extrait de Vents et poussières paru en 1962 : « Tout, véritablement tout, est à recommencer par la base : par les cellules, de plantes, de moines, de proto-animaux : l’alphabet de la vie (…) La cellule peut encore sauver le monde, elle seule, saucisse cosmique sans laquelle on ne pourra plus se défendre (…) » ( Geneviève Bonnefoi, Hantaï, Ginals, Centre d’art contemporain de l’Abbaye de Beaulieu-en-Rouergue, 1973).
Le titre a à voir avec l’idée de fécondité, de grossesse, d’engendrement. La forme ovoïde ou oblongue est tour à tour gonflée puis distendue. Elle occupe une position centrale sur la toile. Son caractère biomorphique présente des affinités avec le vocabulaire de Matisse. Hantaï explique ainsi en 1997 le mode d’élaboration de ces peintures dans le catalogue de la donation au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris : « Toile ficelée en haut et en bas. Sac difforme mis par terre, vaguement chiffonné et peint peut-être deux fois. Déplié, une forme indéterminable flotte sur la toile. Espace sans règle de composition, sans référence et indécidable. Dans ces années 63-64, travail de digestion des obstacles » (p. 37).
D’abord mise en volume, gonflée comme une poche, la toile est ensuite aplatie sur le sol ; peinte au sol, elle est ensuite accrochée au mur pour sécher avant d’être tendue pour être exposée. Deux moments sont distincts, le moment du pliage et celui du recouvrement par la peinture. Jamais les surfaces n’ont été plus subtilement travaillées comme en témoignent ici la gamme des gris bleutés et les déclinaisons de jaunes. Le blanc s’est immiscé dans les zones peintes.