1947 est une année charnière pour Pierre Soulages qui présente pour la première fois un ensemble de peintures. Parallèlement, il initie la série des Brous de noix, soit une cinquantaine d’œuvres sur support papier réalisées entre 1947 et 1949. L’artiste expérimente ce médium dont la couleur varie du brun au noir, traditionnellement lié au métier des ébénistes mais aussi aux techniques des arts graphiques – il peut être utilisé comme de l’encre.

Soulages apprécie la fluidité du brou de noix, qu’il applique avec de larges coups de brosse qui s’entrecroisent et contrastent avec la blancheur de la feuille. Si la gestuelle, ample, rappelle celle des calligraphes orientaux, c’est plutôt le dialogue entre le noir et le blanc et la lumière créée par ce contraste qui intéresse particulièrement l’artiste, anticipant ses recherches ultérieures. Par ailleurs, il choisit non pas un pinceau d’artiste mais une brosse de peintre en bâtiment, affirmant ainsi sa prise de distance avec les techniques picturales traditionnelles.

À propos de ces œuvres, il évoque sa vision, lors de son arrivée à Paris après la guerre, des verrières de la Gare de Lyon « dont les cassures étaient grossièrement réparées au goudron par un pinceau ouvrier ». Fasciné par cette « peinture involontaire » issue d’un geste non prémédité, il est séduit par la poésie frustre qui en découle.

Le Brou de noix 60,5 x 65,5 cm, 1947 a intégré les collections du musée des Beaux-Arts en 2011, grâce à une donation des mécènes du Cercle Poussin.