L’exposition s’est intéressée à la représentation de l’Histoire dans les arts figurés en Europe au XIXe siècle, et plus particulièrement au regard porté par les artistes sur le Moyen Âge, la Renaissance et le XVIIe siècle.
C'est la première exposition depuis plus de quarante ans à être consacrée à ce courant artistique majeur, réunissant dans un vaste panorama Dominique Ingres, Paul Delaroche et leurs contemporains européens. Sous leur pinceau prennent vie les amours et les destins tragiques des rois et des reines, des princesses et des héros, de Du Guesclin à Bayard, de saint Louis à Henri IV, de Jeanne d’Arc à Marie Stuart.
L’exposition « Histoires de cœur et d’épée en Europe 1802-1850 », présentée au musée des Beaux-Arts, met en lumière le rôle précurseur de la scène artistique lyonnaise. Une nouvelle peinture d’histoire apparaît autour des artistes associés au « genre anecdotique » et au « genre historique », au lendemain de la Révolution et au temps du romantisme. Près de 200 tableaux, dessins et sculptures montrent comment les artistes, à travers l’Europe, se sont réapproprié des figures et des épisodes marquants d’un passé « national » longtemps délaissé au profit de l’antiquité et de la mythologie, qu’ils redécouvrent et réinventent, pour les retranscrire en un imaginaire renouvelé.
Le musée des Beaux-Arts s’est associé au Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse qui présentera dans le même temps l’exposition L’Invention du Passé, Gothique mon amour... 1802-1830.
Cette exposition est reconnue d’intérêt national par le ministère de la Culture et de la Communication/Direction générale des patrimoines/Service des musées de France. Elle bénéficie à ce titre d’un soutien financier exceptionnel de l’État.
Elle est réalisée avec le soutien de l’Institut national d’histoire de l’art.
Commissariat au musée des Beaux-Arts de Lyon
- Stephen Bann, professeur émérite en histoire de l’art, Senior Research Fellow, université de Bristol.
- Stéphane Paccoud, conservateur en chef, chargé des collections de peintures et de sculptures du XIXe siècle, musée des Beaux-Arts de Lyon.
Commissariat au Monastère royal de Brou à Bourg-en-Bresse
- Magali Briat-Philippe, conservateur du patrimoine, responsable du service des patrimoines du Monastère royal de Brou.
Comité scientifique
- Gérard Bruyère, documentaliste, musée des Beaux-Arts de Lyon.
- Marie-Claude Chaudonneret, chercheur au CNRS, centre André Chastel.
- Barbara Ciciora-Czwórnóg, conservateur, musée national de Cracovie, enseignante à l’université pontificale Jean-Paul II, Cracovie.
- France Nerlich, maître de conférences en histoire de l’art, université François Rabelais, Tours.
- Sophie Picot-Bocquillon, documentaliste, département des sculptures, musée du Louvre.
- Alain Pougetoux, conservateur en chef, musée national des châteaux de Malmaison et Bois- Préau.
Exposition ouverte du mercredi au lundi de 10h à 18h, le vendredi de 10h30 à 18h00.
Fermée les mardis et jours fériés.
Au même moment, les études historiques connaissent un véritable essor ; Walter Scott et les écrivains romantiques s’emparent dans leurs romans de ces thèmes qui connaissent un vif succès auprès des lecteurs, tandis que le théâtre les met en scène. Bien qu’animés d’un souci de vérité et d’un goût pour les lieux, les décors et les objets de ce passé, les artistes n’hésitent pas néanmoins à les transformer pour créer des images très narratives qui suscitent l’émotion du spectateur. Cette vision picturale créée par les peintres du XIXe siècle marque encore souvent à l’heure actuelle nos perceptions de ces épisodes historiques.
Exposition au Monastère royal de Brou : « L'Invention du Passé. Gothique, mon amour » (jusqu'au 21 septembre 2014)
L'exposition présentée au Monastère royal de Brou, monument à l'architecture gothique et la vocation funéraire affirmée, met l'accent sur la mise en scène du passé à travers ses vestiges matériels, dans la peinture « troubadour ». Le patrimoine, médiéval en particulier, a en effet offert soit un décor, soit un sujet de choix pour les artistes du premier tiers du XIXe siècle.
Histoires mises en scène
Paolo et Francesca, de Jean Auguste Dominique Ingres
Le sujet de ce tableau est inspiré du chant V de L’Enfer de l’écrivain italien Dante. Ingres en retient le moment clé : Francesca, en compagnie de Paolo Malatesta, le jeune frère de son époux Gianciotto, seigneur de Rimini au XIIIe siècle, lit le roman des aventures du chevalier Lancelot du Lac. Parvenant au récit de l'amour de Lancelot pour la reine Guenièvre, tous deux s’aperçoivent de leur propre sentiment et échangent un baiser. Au même moment, le mari jaloux les surprend et, tirant son épée, s’apprête à les tuer.
Ingres réalise une première composition sur le sujet en 1814. Il la retravaillera ensuite à plusieurs reprises pour d’autres versions très différentes dans leurs détails, notamment celle ici présentée, qui s’accompagne d’un cadre néo-gothique dessiné par Claude Aimé Chenavard.
Le Tournoi, de Pierre Révoil
Lors d’une joute à Rennes en 1337, un chevalier à l’identité inconnue triomphe de tous ses adversaires. L’un des vaincus parvient à soulever la visière de son heaume : il se révèle être Bertrand Du Guesclin (vers 1320- 1380), jeune noble breton à qui son père avait interdit de participer à ce tournoi. Il deviendra une grande figure de la Guerre de Cent Ans, pendant laquelle il commandera l’armée royale sous le titre de connétable de France.
Ce tableau constitue l’une des tentatives les plus abouties de reconstitution presque archéologique du passé de Révoil. Il s’inspire ici de manuscrits médiévaux enluminés ou d’objets de sa propre collection, comme l’olifant dans lequel souffle le héraut d’armes, une pièce d’Italie du sud de la fin du XIe siècle.
Les Enfants d’Édouard, de Paul Delaroche
Delaroche emprunte le sujet de ce tableau, exposé au Salon de 1831, à la pièce de William Shakespeare, Richard III. À la mort du roi Édouard IV d’Angleterre, son fils aîné devait hériter de son trône et être couronné en tant que Édouard V. Cependant, son oncle, l’ambitieux Richard, duc de Gloucester, met en œuvre le projet de lui ravir le pouvoir. Il fait emprisonner le jeune prince, encore adolescent, ainsi que son frère cadet, dans la Tour de Londres, où tous deux seront assassinés.
Le moment retenu par le peintre se situe juste avant le drame. Les deux princes, pressentant leur funeste sort, se serrent l’un contre l’autre. Le rai de lumière sous la porte et le chien qui dresse l’oreille signalent l’arrivée imminente de visiteurs, que le spectateur peut imaginer comme étant les meurtriers.
François Ier montre à Marguerite de Navarre, sa sœur, les vers qu’il vient d’écrire sur une vitre avec son diamant, de Fleury Richard
La scène représentée se déroule au château de Chambord. Le roi François Ier, connu pour son goût des femmes et sa conduite volage, a ici gravé sur l’une des vitres une inscription ironique : « Souvent femme varie. Bien fol qui s’y fie ». Avec amusement, il montre ces mots à sa sœur, la reine Marguerite de Navarre. Cette anecdote est avant tout prétexte à la reconstitution d’un intérieur de la Renaissance, dans lequel le mobilier et les vitraux sont détaillés avec soin.
Le peintre a cherché des sources pour représenter ses personnages. Si le peintre s’inspire des portraits connus du roi, notamment celui du Titien, il trouve son modèle pour le personnage féminin dans les tableaux de Léonard de Vinci du musée du Louvre.
Valentine de Milan pleurant la mort de son époux Louis d’Orléans, assassiné en 1407, par Jean, duc de Bourgogne, de Fleury Richard
Valentine de Milan (1366-1408) est la fille du duc Jean Galéas Visconti et d’Isabelle de France. Elle devient duchesse d’Orléans en 1389, suite à son mariage avec Louis Ier, frère cadet du roi de France Charles VI. À partir de 1392, la folie de son frère conduit le duc d’Orléans à participer au conseil de régence du royaume, dans un contexte de lutte de pouvoir qui mènera son cousin Jean Sans Peur, duc de Bourgogne, à ordonner son assassinat en 1407. Valentine de Milan ne cessera alors de réclamer justice, avant de mourir de chagrin moins d’un an plus tard.
Remportant un vif succès au Salon de 1802, le tableau entre trois ans plus tard dans la collection de l’impératrice Joséphine.
Cromwell et Charles Ier, de Paul Delaroche
L’épisode illustré par ce tableau est emprunté à un texte de Chateaubriand, Les Quatre Stuarts. Après l’exécution du roi d’Angleterre Charles Ier en 1649, renversé par une guerre civile, son adversaire, Oliver Cromwell (1599- 1658), soulève ici le couvercle de son cercueil pour contempler son cadavre. Pour les spectateurs du Salon de 1831 qui découvrirent ce tableau, une telle représentation n’était pas sans écho à la récente Révolution française et à l’exécution de Louis XVI.
De récentes découvertes ont établi que Delaroche connaissait bien l’art anglais de son temps et qu’il a mené une véritable recherche autour de l’iconographie de Cromwell. Il a pu notamment s’inspirer d’études de costumes, en particulier de bottes, menées dans des châteaux anglais par James Ward, un artiste qu’il connaissait.
Don Juan d’Autriche présenté à l’empereur Charles Quint à Yuste, de Eduardo Rosales
Après avoir abandonné le pouvoir, l’empereur Charles Quint se retire en 1556 dans le monastère de Yuste, en Espagne, pour y finir sa vie. Il demande alors qu’on lui présente son fils illégitime, don Juan d’Autriche (1545-1578), qui servait comme page auprès d’un noble du pays, afin de lui révéler sa naissance. Ce jeune homme connaîtra un illustre destin militaire, commandant notamment la flotte victorieuse des armées ottomanes lors de la bataille de Lépante en 1571.
Après avoir abandonné le pouvoir, l’empereur Charles Quint se retire en 1556 dans le monastère de Yuste, en Espagne, pour y finir sa vie. Il demande alors qu’on lui présente son fils illégitime, don Juan d’Autriche (1545-1578), qui servait comme page auprès d’un noble du pays, afin de lui révéler sa naissance. Ce jeune homme connaîtra un illustre destin militaire, commandant notamment la flotte victorieuse des armées ottomanes lors de la bataille de Lépante en 1571.
Louis d’Orléans montrant sa maîtresse, d'Eugène Delacroix
L’anecdote illustrée par ce tableau est empruntée à l’Histoire des ducs de Bourgogne de Prosper de Barante. Le duc Louis Ier d’Orléans (1372-1407), grand amateur de femmes, aurait voulu jouer un tour à son chambellan, Aubert Le Flamenc, dont l’épouse, Mariette d’Enghien, était devenue sa maîtresse. Par amusement, le duc lui aurait montré la jeune femme nue, le visage caché, afin de lui faire juger de sa beauté, et le mari trompé ne l’aurait pas reconnue.
Delacroix situe cette scène dans un Moyen Âge imaginé, dont il restitue l’esprit plutôt que le détail. Il joue d’une palette riche et du rendu luxueux des étoffes pour renforcer l’érotisme de la représentation.
Stańczyk, de Jan Matejko
Stańczyk (vers 1480-1560) est le bouffon de la cour du roi de Pologne Sigismond Ier. Connu pour son esprit vif et ses propos d’une lucidité prémonitoire sur le sort de son pays, il est devenu au XIXe siècle une figure symbolique de la culture nationale dans l’art et la littérature. Ce tableau de Matejko est l’une des premières œuvres le représentant et s’impose comme l’une de celles qui ont contribué à la construction de cette identité polonaise.
Stańczyk assiste ici à un bal donné par la reine en 1514 pour célébrer la victoire des armées polonaises sur les troupes de la principauté de Moscou à Orsza. Or, au même moment, la perte de la ville de Smoleńsk constitue une nouvelle inquiétante qui laisse présager un futur sombre pour le pays. Seul le fou semble toutefois le pressentir, alors que la cour s’amuse.