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Pierre-Yves Bohm

Dans les collections XXe/XXIe siècles
Territoire d'un parcours de vie
Introduction

En 2021, grâce au mécénat du Cercle Poussin, trois oeuvres de l’artiste Pierre-Yves Bohm (né en 1951 à Roncq, Nord) ont rejoint les collections du musée des Beaux-Arts de Lyon : Sans titre (1985-2016), Mise à nu (2010) et Cartographie des conflits du 20e siècle (2018). Deux ans plus tard, le don du collectionneur et mécène Antoine de Galbert offre au musée un ensemble de sept œuvres de l’artiste, auquel s’est ajouté Territoire d’un parcours de vie (2015), donné par Isabelle et Bruno Mory, ainsi que deux autres œuvres, dont Visage (1993), grâce à Brigitte et Jacques Gairard.

 

Cet accrochage permet de présenter pour la première fois au public ces acquisitions, accompagnées de quelques prêts, et de mettre en valeur la singularité d’un travail lentement élaboré qui allie sculpture, peinture, dessin, couture et assemblage d’éléments conçus comme une « foule de petites anecdotes visuelles ».

Un peintre singulier

Bohm, depuis ses débuts à Tourcoing, élabore un œuvre qui résiste aux classifications. Constitués d’éléments hétéroclites, récupérés ou patiemment fabriqués, ses objets-reliquaires conçus entre 1973 et jusque dans les années 1980 l'ont trop souvent associé à l'art brut et au primitivisme, alors même que Bohm se forma à l'école de beaux-arts. Si certaines de ses sculptures renvoient par ailleurs aux fétiches de l’art africain, l’artiste se sent plus proche de la tradition picturale occidentale. Il faut en effet rappeler l’importance d’un voyage effectué en 1989 aux Etats-Unis où Bohm redécouvre la peinture de Pollock et celle de Picasso et où il est frappé par « cette vitalité très actuelle que tant de peintres cherchent à obtenir aujourd’hui. (…) Une vitalité qui, de Picasso à Pollock, prend possession de l’espace ». Si Pierre-Yves Bohm ne se rattache à aucune catégorie consacrée, ni à aucune école, il a déjà trouvé sa place parmi les artistes « singuliers » que le musée des Beaux- Arts a réunis depuis quelques années au nombre desquels figurent Etienne-Martin, Fred Deux et Joseph Cornell. Par ailleurs, Bohm a travaillé dans la proximité d’Eugène Leroy, un artiste déjà bien représenté au musée des Beaux-Arts.

Comme Leroy, Bohm travaille par recouvrements, par couches successives, cherche à enfouir l’objet qu’est la toile.

Une nouvelle approche de la peinture

De crainte d’être réduit à un seul mode d’expression plastique, Bohm élargit rapidement sa pratique de l’assemblage. L’artiste utilise ainsi le dessin, la peinture et la broderie, qu’il associe à des éléments les plus divers : fragments de miroirs, de textiles ou de toiles peintes, boules de terre malaxées et mordues, petits sacs de textiles suspendus comme des amulettes. Il vient parfois trouer la surface d’une toile pour y installer de fines tiges de métal sur lesquelles sont accrochées des fragments de couches picturales, comme dans Le Baiser (2003).

Cette manière caractéristique de malmener le support, de le trouer et de subvertir sa surface plane, renvoie à sa volonté d’envisager son œuvre de face comme de dos.

Il faut noter par ailleurs l’engagement physique de l’artiste et son rapport si intime et corporel à la peinture : Bohm brode ou troue la toile et le papier, souffle et crache de la peinture, utilise sa mâchoire pour mordre dans la terre ou mêle ses propres sécrétions corporelles aux médiums traditionnels.

L'importance de la figure humaine

La figure humaine est un sujet récurrent dans le travail de Pierre-Yves Bohm. Les corps y sont représentés en train de chuter, comme en apesanteur. Les visages occupent une large place au sein de ce corpus. Souvent surdimensionnées, des têtes géantes peuvent prendre l’apparence d’autoportraits (Le Baiser, 2003 et Sans titre, 2013). L’artiste précise : « j’opte pour une attitude très classique. Devant un miroir, je dessine simplement mes traits et mon visage. Mais, à dire vrai, très vite l’exercice me paraît insupportable. J’ai envie de tout bousiller. Mon dessin devient alors un support presque sans attache, je cherche la solution de cette ressemblance. Je ne sais pas exactement ce que je recherche. Mais je vais vers un visage qui unit tous les visages possibles, le mien parmi les autres. Cela passe par une superposition des visages, j’élimine une partie du dessin. Je créé des confusions, des chemins possibles. Il est toujours étrange de faire son autoportrait. Je voudrais me replacer dans une forme d’anonymat et sûrement, ces autoportraits prennent un sens d’analyse, de réflexion sur l’identité et sur la condition humaine. C’est toujours un peu la même question : Qui suis-je ? Qui nous-sommes ? ».